Pourquoi Donald Trump a-t-il décidé de suspendre les droits de douane ?

Saga des droits de douane, épisode 5. Après une nouvelle journée de bain de sang sur les marchés suite à l’augmentation des droits de douane à 84 % de la Chine sur les produits américains, D. Trump a décidé de suspendre la surtaxe de tous les pays, excepté la Chine.
Dans les faits : Les droits de douane repassent au taux “standard” de 10 % pendant 90 jours, sauf pour la Chine, dont la surtaxe a été relevée à 125 % par l'administration Trump.
Comment en est-on arrivé là ? D. Trump attribue sa décision au fait que “plus de 75 pays” ont contacté les responsables américains “pour négocier”, et aussi parce que les "gens commençaient à prendre peur". Une victoire tactique selon le secrétaire au Trésor S. Bessent qui affirme avoir “un levier de négociation maximal”... mais on a quelques doutes.
1. Les grands patrons américains, qui avaient soutenu D. Trump, ont commencé à retourner leur veste : B. Ackman (Pershing Square), J. Dimon (JP Morgan), L. Fink (BlackRock) et même son BFF E. Musk, qui a insulté son conseiller économique, ont émis des doutes sur la méthode Trump. D'ailleurs, le président américain a déclaré hier soir que J. Dimon lui avait demandé d’agir.
2. Pour cause, JP Morgan, Goldman Sachs et d’autres banques majeures revoyaient à la hausse les probabilités de récession aux États-Unis. J. Dimon et L. Fink ont même déclaré que les USA étaient peut-être déjà en récession. Mais après la suspension, Goldman Sachs a immédiatement retiré sa prévision de récession cette année.
3. Plus que tout : Ces craintes ont mené vers un scénario que l'administration Trump n’avait pas anticipé. Concrètement, en temps normal, quand il y a un sentiment d’incertitude sur les marchés actions, les investisseurs se tournent vers les bons du Trésor américains (dette américaine), un placement sûr qui garantit une rémunération fixe. Mais cette fois, ce n’était pas le cas…
- En anticipant la récession, les investisseurs ont évité les bons du Trésor américains, et quand l'offre dépasse la demande sur le marché des obligations, le rendement (soit le taux d’emprunt) augmente.
- Hier, le taux d’emprunt américain se sont envolés (la plus forte hausse sur trois jours depuis 1982). Les conséquences peuvent être dramatiques : l’État s’endette pour plus cher, ce qui creuse le déficit et ralentit les investissements.
- D. Trump a d’ailleurs déclaré hier soir qu’il surveillait le marché obligation de près avant de prendre sa décision.
Et maintenant ? C’est un 1 contre 1 USA vs Chine. Maintenant que les marchés sont repartis à la hausse, que les prévisions de récession ne sont plus d’actu et que le taux d’emprunt est revenu à la normale, les États-Unis ont toutes les cartes en main pour aller au bout face à la Chine dont l’économie est en difficulté.
Bref. D’un côté, certains crient au génie de D. Trump qui déclare avoir signé des accords commerciaux avec près de 75 États en quelques jours seulement, mais dont on n’a pas encore eu les preuves. D’autres estiment que le président a pris cette décision sous la panique puisqu’il avait tout simplement mal analysé la situation.