Les cargos fantômes de la Russie

Publié le
6/12/2022

C’est un tournant historique. Avant l’invasion en Ukraine, près d’1,5 million de barils de pétrole débarquaient chaque jour en Europe mais c’est maintenant de l’histoire ancienne. Les importations de pétrole russe par voie maritime vers l’Europe, qui représentaient 94 % de toutes les importations de brut russe faites par l’UE, sont interdites depuis hier. Mais la Russie ne compte pas lâcher le morceau si facilement.

Pourquoi on en parle ? La Russie est le 2ème plus grand exportateur de pétrole du monde et son plus gros client, c’est l’Europe et elle débourse près de 50 milliards de dollars par an. Mais ça c’était avant… La Russie se retrouve désormais avec des barils plein les bras, qu’il va bien falloir exporter. La solution ? Créer une flotte de navires fantômes, invisibles des radars pour échapper à tout contrôle.  

Comment en est-on arrivés là ?

Depuis hier, l’UE et les membres du G7 ont tapé fort en annonçant 2 nouvelles mesures : interdire les importations de pétrole russe par voie maritime vers l’UE (embargo), et plafonner le prix du baril à 60$ pour le coup de grâce.

Objectif : limiter les revenus de la Russie en empêchant leurs navires de décharger dans les ports européens et limiter le prix d’achat du baril à 60$ à l’Inde, la Chine ou la Turquie qui sont aussi devenus de gros clients. Concrètement, cette mesure permet de réduire les volumes importés vers l’Europe de plus de 90% par rapport à l’avant-guerre sans totalement exclure la Russie du marché pour éviter la flambée des prix.

Mais est-ce que ça va marcher ?

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré que la Russie “ne reconnaîtra aucun plafond de prix” et qu’ils cesseront d’acheminer du pétrole vers les pays qui se conforment aux règles de plafonnement, quitte à réduire la production.

En clair, ils vendent leur pétrole environ 65$ le baril, un prix légèrement supérieur aux 60$ imposés par l’UE. Mais se conformer aux règles de l’UE et du G7 deviendrait contraignant pour les pays importateurs qui comptent à présent sur le pétrole russe.

Résultat : la Russie a fait ses courses de Noël avant l’heure et a craqué cette année pour une centaine de “cargos fantômes” pour continuer de servir ses clients dans des conditions qui l’arrange, tout en empêchant l’UE d’avoir une vue sur les marchandises transportées, ni même sur les navires. Ni vu, ni connu.

Quel impact pour nous ? « On n’est pas à l’abri, dans les semaines à venir, de constater une augmentation du prix à la pompe » a déclaré P. Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières.

Bref : Le marché de l’énergie devrait rester mouvementé et incertain. Les prix sont tiraillés entre les tensions géopolitiques, le Covid en Chine et l’ambiance à la réunion de l’OPEC+ le week-end dernier qui ne veut pas augmenter sa production de pétrole. Un autre RDV important est prévu le 5 février, date à partir de laquelle l’embargo européen concernera aussi les produits raffinés. Les Européens devront donc trouver d’autres fournisseurs pour le carburant diesel russe, dont ils étaient de gros importateurs avant la guerre.