Le mythe de la neutralité carbone au Qatar

En janvier 2020, le Qatar a promis de faire du Mondial 2022 la première Coupe du monde « neutre en carbone » tout comme la Chine l’avait promis pour les derniers JO d’hiver et l’Allemagne, pour sa Coupe du monde en 2006.
Comment un pays qui repose sur l’exploitation des énergies fossiles peut promettre une Coupe du monde neutre en carbone ?
Le fantasme des événements sportifs neutres en carbone repose principalement sur la compensation carbone. Qu’est ce que c’est ?
La compensation carbone consiste à investir dans des programmes qui réduisent de manière équivalente les niveaux de CO2 émis en échange de crédits-carbone, c’est-à-dire de droits à polluer. Et c’est populaire dans le foot : Manchester United a compensé les kilométrages aériens de sa tournée de pré-saison. Sauf que ce système a des problèmes…
L’un des programmes phares avancé par les organisateurs est la création de la plus grande pépinière de gazon au monde, qui accueillera 679 000 arbustes et 16 000 arbres et sera alimentée par des eaux usées traitées.
Problème : on parle du Qatar, l’une des régions les plus arides du monde. Et puis 679 000 arbustes et 16 000 arbres c’est bien, mais le compte n’est pas bon…
Les organisateurs avaient évalué l’empreinte de la compétition à 3,6 millions de tonnes de CO2. Mais la startup parisienne de gestion du carbone Greenly a estimé que ce chiffre atteindrait 6 millions, l’équivalent d’une année d’émissions de 750 000 foyers américains.
Le PDG et cofondateur de l’entreprise, Alexis Normand, a même affirmé que cette édition 2022 serait la « plus émissive de tous les temps ». Rien que ça.
Les transports aériens représentent plus de la moitié des émissions. Une des raisons : le manque d’hôtels au Qatar a poussé les supporters à se loger dans des États voisins.
Résultat : les quelque 168 vols par jour pour transporter les supporters d’un pays du Golfe à un autre devraient générer plus de 80 000 tonnes d’émissions de CO2 malgré l’utilisation de carburants durables d’aviation (SAF), une industrie naissante qui atténue les impacts climatiques des trajets en avion.
Deuxième point de blocage :
Le Qatar avait promis que 6 des 7 stades construits pour son Mondial seraient réutilisés après la compétition ; faire sortir de terre des infrastructures coûte cher, financièrement et écologiquement (environ 1,6 million de tonnes de CO2). Et c’est l’une des raisons pour lesquelles la FIFA a offert la Coupe du monde 2026 au trio USA, Mexique, Canada, avec les 16 stades prévus pour l’occasion déjà existants.
Bref : Les bilans des gaz à effet de serre publiés par les différents groupes de recherche ont confirmé que la neutralité carbone de cette Coupe du monde ne resterait qu’une utopie.