Michel Barnier envisage de reporter la présentation du projet de loi de finances devant l’Assemblée au 9 octobre

Michel Barnier / X
Publié le
16/9/2024

Michel Barnier avait un job, et il est déjà en retard : il envisage de reporter la présentation du projet de loi de finances (PLF) devant l’Assemblée au 9 octobre.

  • Rappel : Le projet de loi de finances, c’est le plan financier annuel de l’État. Concrètement, il définit les recettes (impôts, taxes) et le budget avec notamment les dépenses (santé, éducation, etc.).

Pourquoi on en parle ? La date de présentation du PLF (premier mardi d’octobre) est inscrite dans la Constitution. C’est donc la première fois de l’histoire qu’un premier ministre tarde autant à présenter un budget à l’Assemblée nationale, et certains commencent à se demander si l’État ne pourrait pas se retrouver paralysé…

Dans les faits : Le président de la commission des Finances, E. Coquerel, et le rapporteur général du Budget, C. de Courson, ont menacé de se rendre à Matignon pour exiger les lettres-plafonds qui détaillent les crédits par ministère pour 2025. Sous tension, M. Barnier a donc évoqué la date du 9 octobre et Matignon a promis de transmettre les éléments susceptibles de répondre aux questions des députés.

Dans le détail : On ne peut pas lui en vouloir. M. Barnier est entré sur le terrain dans le temps additionnel pour sauver un match déjà mal parti. Le déficit public atteint des records à 5,6 % du PIB, et il n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale. Il devra donc faire des concessions pour composer avec les priorités des principaux partis politiques mais trouver les profils qui conviennent devient vite compliqué.

Problème : Certains s’inquiètent d’un scénario à l’américaine avec un potentiel “shutdown”, soit la “fermeture” des services du gouvernement puisque les employés fédéraux des agences gouvernementales non essentielles sont alors mis en congé, ou travaillent sans être payés jusqu’à accord.

Un peu de recul : Un shutdown est peu probable selon T. Mulier, maître de conférences en droit à l’université Paris Nanterre. Pour lui, le véritable danger est d’ordre politique puisqu’un blocage pourrait compliquer la coopération entre le gouvernement et le Parlement… En clair :

  • En cas de recours au 49.3 pour faire passer le budget en force “à la Elisabeth Borne”, il risquerait de déclencher une motion de censure.

  • En cas de motion de censure ou vote négatif du budget, on pourrait se retrouver dans une situation similaire à celle de la IVe République : les gouvernements avaient une durée de vie moyenne de 7 mois, et le Parlement votait des « douzièmes provisoires » pour engager les dépenses mois par mois, en attendant un accord sur le budget.

  • À noter : Si les débats dépassent les 70 jours, l’article 47 de la Constitution permettrait au gouvernement de mettre en vigueur le budget par ordonnance, à condition que le Parlement ne se soit pas prononcé.


Bref. Il y a peu de risques de « shutdown » en France, mais il ne faut pas l’exclure. Pour T. Mulier, maître de conférences en droit à l’université Paris Nanterre, le véritable risque de blocage sur le prochain budget n’est pas constitutionnel, mais politique. En France, des entraves budgétaires ont déjà eu lieu deux fois dans l’histoire de la Ve République en 1962, à la suite d’une dissolution prononcée par le Général de Gaulle et en 1979 après une censure du Conseil constitutionnel.