Il faut admettre que l’état de santé de l’économie mondiale n’est pas au top ces derniers mois, mais la Turquie, c’est encore autre chose : selon les chiffres officiels, l’inflation aurait atteint 80,2% sur un an en août.
Le plus fou ?
Un groupe d’économistes indépendants estime l’inflation plutôt à 181% sur un an. A titre de comparaison, ce chiffre est à 9,1% en zone euro et 6,5% en France. Simple rappel.
Concrètement :
Inflation (hausse des prix) => dévalorisation monnaie => augmentation du prix des importations => inflation
Résultat : en Turquie, les prix des transports et de l’alimentation ont doublé.
Quelle Solution ?
La majorité des économistes du monde et des banquiers centraux s’alignent pour dire que la solution ultime à l’inflation est l’augmentation des taux d’intérêts. Rien que la semaine dernière, la FED a augmenté son taux directeur de 0,75%. Pourquoi ?
Des taux élevés = réduction du nombre de crédits octroyés et donc de la quantité de monnaie mise en circulation. La loi offre/demande opère alors pour ralentir la dévalorisation de la monnaie. Mais il y’en a un qui n’est pas d’accord…
Recep Tayyip Erdogan, Président de la Turquie, économiste en herbe, est “built different”. Convaincu du contraire, il a fait en sorte de baisser les taux pour le 2ème mois consécutif, passant de 13% à 12%. Les justifications de la Banque centrale turque, censée être indépendante de l’état, reposent sur les ” incertitudes sur la croissance mondiale et les risques géopolitiques “.
Pourquoi s’entêter ?
Le pays tente cette retournée acrobatique à cause, en partie, de son modèle économique qui repose en grande partie sur la consommation et l’investissement, notamment immobilier. La hausse des taux viendrait donc naturellement entraver ce modèle. Aussi, le Président a fièrement affirmé qu’il privilégiait la croissance et les exportations à la stabilité des prix, déclaration pour le moins audacieuse à quelques mois des élections.
Mais Erdogan a plusieurs tours dans son sac…
Pour amadouer ses électeurs qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts, Erdogan a augmenté les revenus à tout va : le salaire minimum, les salaires dans le secteur public et a encouragé le privé à lui emboîter le pas. Et cerise sur le gâteau, il a arrosé ses citoyens en aides sociales.
Bref : si vous avez bien suivi l’actualité récente, vous aurez compris que ces mesures ne permettent pas forcément de lutter contre l’inflation. Mais Erdogan, le génie incompris, tente de prouver que la seule voie pour lutter contre l’inflation est de ne pas lutter contre l’inflation. Et pour le moment, la livre turque continue de visiter les fonds marins face au dollar au fur et à mesure qu’Erdogan tente des retournées acrobatiques.