Hier, c’était le grand jour. La banque centrale européenne (BCE) a annoncé relever ses taux directeurs, une première en 11 ans. Et derrière cette annonce surprenante, il y a de gros enjeux. On vous explique.
L’annonce
Alors qu’une hausse de 0,25 point était prévue, la BCE a surpris les marchés en annonçant une hausse de 0,50 point. Deux décimales de différence, c’est la même chose ? Non, au contraire.
Traduction pour l’économie : La BCE a tranché pour l’inflation. Oui, l’institution est actuellement prise dans un jeu d’équilibriste, devant choisir entre l’inflation et la récession. Et en relevant ses taux brusquement, elle fait le choix de réduire la masse monétaire en circulation, donc de ralentir l’inflation (qui bat des records, vous le savez déjà).
Mais aussi d’augmenter le coût de l’emprunt, donc de mettre à mal l’économie… qui est déjà en petite forme. Oui, le contexte est tendu : les incertitudes sur l’approvisionnement de gaz en provenance de Russie risquent de faire plonger la zone euro en récession. Et une hausse trop rapide des taux pourrait aggraver la situation. Mais ce n’est pas tout…
Vers une crise de la dette ?
Les mesures de la BCE font craindre une crise de la dette européenne. On vous explique.
Avant, petit rappel : pour se financer, les États émettent des obligations. Concrètement, quand vous achetez une obligation, vous prêtez de l’argent à l’État, contre des intérêts.
Mais avec la hausse des taux, les investisseurs qui détenaient des obligations d’États lourdement endettés comme l’Italie (en pleine crise politique avec la démission du Premier ministre, Mario Draghi) s’en débarrassent.
Résultat des courses : les rendements (intérêts) sur les obligations se retrouvent “fragmentés” puisque la demande pour les obligations d’États fragiles diminue, et la loi du marché pousse ces pays à relever les intérêts dus (et donc leur coût d’emprunt). Bref, le spread (écart entre le taux de certains pays comme l’Italie et l’Allemagne, pays qui emprunte au taux le plus bas dans la zone euro) augmente. Et quand un Etat ne peut plus rembourser les détenteurs d’obligations, on parle de “crise de la dette”.
Solution :
Pour éviter tout ça, la BCE a une arme : le TPI, un bouclier « anti-fragmentation ». En clair, la BCE va continuer à acheter des titres de dette pour les pays fragilisés (grâce aux anciens titres de dette que les autres Etats membres lui auront remboursés).
Bref : l’institution fait un pas dans l’inconnu, mais elle ne s’arrêtera pas là. D’autres hausses de taux sont prévues, leur ampleur dépendra « des données », selon C. Lagarde, présidente de la BCE.